Dominique Fernandez & Arthur Dreyfus, Correspondance indiscrète

 

Correspondance indiscrète pour échange indiscret. Le mardi 12 avril, Dominique Fernandez et Arthur Dreyfus sont venus nous présenter leur nouvel ouvrage écrit en duo, qui porte sur la sexualité en littérature. Faut-il voiler ou dévoiler ?

Le livre trouve sa genèse à Crons-Montana, dans une station suisse de sports d’hiver, où un colloque sur le thème Art, Sexe et Littérature a réunit de nombreux auteurs, dont Arthur Dreyfus et Dominique Fernandez. Le but de ces discussions était d’évaluer si à notre époque, où les mœurs ont considérablement évolué et où l’on jouit d’une plus grande liberté, l’écrivain se devait de « tout dire ». Trois jours n’ayant pas suffi à achever les discussions sur le sujet, Arthur Dreyfus et Dominique Fernandez décident de poursuivre l’échange et d’en faire un livre à quatre mains. Livre qui marque aussi la naissance d’une profonde amitié. Afin de s’éloigner de la linéarité de l’essai, ils choisirent la forme de l’échange épistolaire, plus ludique. Une correspondance qui aura duré cinq mois, « libre, spontanée, désinvolte et sérieuse », laissant une grande place aux vagabondages.

Deux auteurs, deux tempéraments, deux générations, deux regards sur notre époque.

C’est Dominique Fernandez qui entame la correspondance, avec exclamation :

Quel bonheur de vivre aujourd’hui !

Une référence à la formidable évolution des mœurs depuis 68, notamment vis-à-vis de l’homosexualité. Et pourtant, reste cette question : peut-on tout dire aujourd’hui ? Il faudrait d’abord avoir une grande liberté pour pouvoir le faire. La liberté totale reste un postulat théorique, et n’est surement pas acquise. D’ailleurs, qu’est-ce que tout dire apporterait réellement à la littérature ? Ne faut-il pas préserver la poésie du secret ? Dominique Fernandez se désole de voir que bien souvent le sexe est utilisé comme une « épice commerciale », un ingrédient que l’auteur ajoute à son livre pour le « pimenter », comme « ajouter du paprika dans la sauce », souligne-t-il avec humour.

Vient l’idée que la sexualité est intéressante pour comprendre les personnages. Dominique Fernandez avoue croire très fort au pouvoir de la suggestion, avec une tradition littéraire qui a hissé cette pratique au rang d’art : Stendhal dans Le Rouge et le noir, Gide dans Les Faux-Monnayeurs… Il ne faudrait pas oublier le pouvoir de la métaphore, du « dire sans dire »… qui sont une preuve d’inventivité, de facétie, de réel pouvoir créatif.

Arthur Dreyfus a largement exploité le thème dans ses livres, notamment avec Histoire de ma sexualité. Pourtant, ce rapport au corps n’a pas été évident. Né dans une famille de médecins, c’est avec un corps médicalisé qu’il a d’abord fait connaissance. Le jeune auteur pense la sexualité dans la littérature comme une preuve de sincérité. Ne serait-elle pas le meilleur révélateur d’un personnage ? Car la sexualité ne ment pas, souligne-t-il. Son utilisation ne devrait pas être faite pour exhiber, ou choquer. Elle serait rabaissée et désagréable, cantonnée à la démarcation ou à l’audace. Arthur Dreyfus rejoint ainsi les idées de Foucault, dont il se servait déjà dans son précédent livre.

Ce qui nous fait peur, ce n’est pas le corps, mais la vérité. On est obligé d’accepter sa sexualité pour jouir. Pour parler de sa sexualité, il faut en fait parler de son ADN.

Dans Correspondance indiscrète, Dominique Fernandez écrit « après avoir été opprimé pendant des siècles, le sexe nous opprime ». Qui se refuserait à en parler ferait « figure de couard, de ringard ». Arthur Dreyfus ressent l’oppression du coté de ce besoin de vérité. Nous dans sommes dans une époque où la vérité et la transparence sont devenues des exigences totales.

À travers leur vision du sexe, on rejoint inexorablement leur vision du monde. Un ouvrage savoureux où chacun rebondit brillamment sur les propos de l’autre, entre digressions, contradictions, démonstrations… et qui ne pouvait qu’aboutir à une belle rencontre.

Rencontre animée par Lilia Salmi

Correspondance indiscrète

 

 

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